Ils nous ont sauvés la vie…

A l’heure du débat sur la bienveillance médicale, à l’heure où le débat fait rage entre la communauté médicale et les patientes, à l’heure où l’on veut rendre le choix possible dans une salle d’accouchement, j’ai envie de dire Merci à ceux qui, il y a presque 2 ans, ne m’ont pas laissé le choix. A ceux qui nous ont sauvés la vie.

Si j’avais eu le temps de réfléchir à l’accouchement dont je rêvais, le mot césarienne ne serait pas venu s’inscrire.
Si j’avais écrit un projet de naissance, j’aurais parlé de peau à peau, de tendresse, de rencontre. J’aurais parlé de partage, d’échange, d’amour, et j’aurais voulu que mon couple soit au centre de cette naissance.
Si j’avais écouté mon coeur ce 14 octobre, je leur aurait ordonné de me sacrifier pour que mes enfants ne vivent pas la prématurité, et toutes ses complications.

Je n’ai pas pu faire ça, je n’ai pas eu le choix, je ne regrette rien.

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Si j’avais écrit un projet de naissance j’aurais demandé à ce que mon mari puisse m’accompagner dans le bloc, j’aurais aimé lui tenir la main, puiser de la force dans ses yeux, sentir son amour m’envelopper, me rassurer. J’aurais aimé sentir qu’il était là pour moi. Merci à cette infirmière qui m’a expliqué pourquoi il ne pouvait pas le faire rentrer, merci à celle qui a fait les allers retours pour lui donner des nouvelles, merci à ce médecin qui lui a présenté nos enfants, merci à cette sage femme qui tellement ému de le voir pleurer a réussi à me faire frissonner, à vivre cette émotion malgré la porte qui nous séparait. Merci à celles et ceux, qui sans le savoir ont humaniser ce moment. Merci à ceux qui ont pris la décision de nous protéger en cas de problème, parce que s’il m’était arrivé quoi que ce soit, ça aurait pu être le dernier souvenir qu’il aurait eu de moi. Merci de nous avoir protéger.

Si j’avais écrit un projet de naissance, j’aurais demandé un peau à peau intense, un moment animal, bestial. J’aurais demandé à sentir mes enfants contre moi, à les embrasser, les toucher, les voir, les entendre, les nourrir. Merci à cette infirmière qui a séché mes larmes quand j’ai entendu ce tout petit cri. Merci à cette sage femme qui l’a pris tout contre elle. Merci à ce pédiatre qui a fait les soins, qui a ventilé, aspiré, intuber, piquer. Merci à cette sage femme qui a fait les aller retours pour me donner des nouvelles. Merci à cette infirmière qui me les a décrit. Merci à cet anesthésiste qui a ponctué ce difficile moment d’humour. Merci de leur avoir sauver la vie, merci d’avoir pris leur santé, leur besoin en priorité. Les câlins on les a rattrapé….


La pierre est facile a jeté à ces soignants, parce que de maltraités, à maltraitants il n’y a qu’un pas. Parce qu’on tombera toujours sur une infirmière qui s’est trompé de vocation, qui a oublié son humanité sur les bancs de l’école, ou sur ce médecin guetté par le burn out, prêt à imploser, sur cette sage femme aigrie qui a oublié combien son métier était beau gâché par le poids matériel que l’administration fait peser sur son épaule. Mais ne nous trompons pas de combat. C’est ensemble qu’on peut construire le soin de demain, l’hôpital de l’avenir. Pas en lynchant les soignants, en les soutenant face à cette administration qui les écrase…

Si j’avais écrit un projet de naissance, je n’aurais rien pu prévoir, rien pu imaginer de ce qu’il s’est passé. Mais si j’avais pu le deviner je demanderai la même équipe médicale, le même entourage. Je n’oublierai aucun visage des gens qui ont été dans cette pièce, qui ont partagé ce moment si important. Je n’oublierai jamais qu’ils nous ont sauvé la vie. Je n’oublierai jamais ce que je leur dois. Je n’oublierai jamais les professionnels qu’ils ont été d’abord, mais surtout les humains qu’ils sont.

12 commentaires sur « Ils nous ont sauvés la vie… »

  1. Très bel article. Pour avoir vécu la naissance de mes jumeaux à 29SA, la césarienne en urgence et l’hospitalisation des enfants pendant de longs mois ensuite, je ne peux que saluer ton analyse. Je découvre ton blog par cet article mais je cours découvrir le reste. J’ai eu une césarienne à la hâte dans la nuit, on ne m’a pas parlé mais le chirurgien était exténué, ça se voyait. Il ne m’a pas fait la discussion mais il a sauvé mes enfants en prenant la décision de cet acte, il en a porté la responsabilité ce qui n’est pas rien, il m’a fait une super cicatrice! Nous avons attendu 4h avant de les voir, ça a été dur, ça a été long mais ils sont vivants et pour moi c’est l’essentiel. Le reste se rattrape! Bien sûr, on préférerait que les choses se passent autrement.
    Bonne journée

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      1. Je pense que les mamans de prémas ont facilement des histoires similaires, on se comprend. C’est un lien qui reste. Nous avons garde contact avec les familles qui ont croisé notre chemin en neonat et en réa. C’est important de savoir ce qu’on devient les uns les autres. On garde le souci de ces petits bouchons qui se sont battus comme les nôtres pour vivre.

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  2. Tu sais écrire un projet de naissance n’est pas non plus donner des ordres et refuser tout acte médical. C’est décrire ce qu’on aimerait vivre si la situation le permet. Bien évidemment que quand médicalement il y a des choix à faire il faut s’occuper de la santé en premier. Tu as eu la chance d’avoir eu une équipe qui t’as expliqué et qui a pris soin de toi. Ce n’est pas toujours le cas et être séparé de son bébé sans avoir aucune nouvelle peut être un très grand traumatisme. Je pense pour ma part que les 2 visions ne sont pas incompatibles avec un peu de communication non ?

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    1. Disons que je trouve beaucoup d’agressivité dans le retour de certaines patientes, comme je le dit on peut tomber sur une équipe de bras casses, mais dans la majorité des cas c’est surtout une équipe stressée de gérer un cas difficile…J’aime croire en l’humanité des gens en général.

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      1. Les conditions de travail ne les aident pas c’est sûr … Quand tu as une seule sage femme pour je ne sais combien de parturiennes… Elles font comme elles peuvent. Mais le décalage est d’autant plus grand que pour les mamans cest un jour exceptionnel, le décalage entre la projection de ce jour et la réalité est parfois bien trop grand et les blessures psychologiques sont longues à guerrir. Mais je comprends ton point de vue.

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  3. Merci pour ce bel article. Le projet de naissance ou la césarienne en urgence peuvent être un exemple, mais juste de souvenir que les professionnels de santé en face sont des humains, qui ont eux même une famille, des amis qui ne les trouvent pas horribles. Et que s’ils peuvent sembler maltraitants pour un/e patient(e), ils peuvent aussi être maltraités par l’administration mais aussi par les patients eux mêmes.

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